Infernal des Vosges 200



L’Infernal, c’est d’la balle !


I - Le tour de chauffe


Les organisateurs de l’infernal sont de petits plaisantins, qu’on se le dise, qui osent faire des choses inhabituelles, sensationnelles, cruelles parfois et qui les font bien. Le plat vosgien concocté pour ce weekend est relevé, épicé, ce qui n’est pas pour me déplaire. Dès 4h du matin, en compagnie de 150 comparses et après un somptueux feu d’artifices, les lettres de l’INFERNAL s’embrasent, annonciatrices des festivités à venir. Il fait bon, la température plus que clémente (proche de 20°C) rend la progression nocturne conviviale et chaleureuse. Au bout d’une heure et demie la boucle est bouclée. Retour au stade du départ, stupeur, interrogation, abattement, l’humeur des troupes n’est pas au beau fixe. Évidemment, et vous l’avez compris, rien de tout cela n’est prévu. La raison, me direz-vous ?

Et bien voilà :

Les 3 premiers sont partis à balle creusant un écart plein de conséquence avec les poursuivants (dont nous faisons partis avec le frangin). Au sortir de Saint Nabord le quad ouvrant la course indique le bon chemin aux 3 avions de chasse. Quant à nous, pauvres laissés pour compte, nous engageons bonnant malant dans la mauvaise direction. Du coup, petit tour de chauffe sur le 12km du surlendemain…

Plaisantins les organisateurs, assurément… Mais surtout professionnels. En moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, une pluie de véhicules s’abat sur l’aire de départ/arrivée dans lesquels s’entassent la soixantaine de coureurs égarés. Direction le Saint Mont au km 10.

En sortant de la voiture je retrouve le frangin égaré lui aussi. On repart ensemble pour une belle ascension pendant laquelle nous reprenons bon nombre de coureurs restés sur le bon chemin. Au final nous aurons effectués 2 km de plus et perdus ½ heure (appel PC course, mise en place du covoiturage + trajet) mais la course est longue, très très longue alors finalement pourquoi s’en faire. Nous n’en garderons que la belle anecdote à raconter aux repas de famille.


II - En route vers l'Ermitage de frère Joseph


En arrivant à Syndicat (premier ravito), le soleil pointe le bout de son nez. La montée suivante vers Chèvre Roche est chronométrée dans le cadre du Challenge Vertical Mountain. Je me dis qu’avec un départ aussi chaotique, une petite montée sèche en se mettant dans le rouge, c’est toujours bon à prendre. Fin d’ascension, le panorama est superbe, en pleine Golden Hour tant appréciée des photographes… TERRIBLE. J’apprendrai plus tard que l’effort consenti fut vain, les portiques de chronométrage n’ayant pas fonctionné. Dommage.


Je récupère lentement sur une partie souple et boisée, les Vosges quoi ! Nous découvrons la cascade de la Pissoire, un endroit exceptionnel qui, à lui seul, mérite le déplacement. Avec ses petits ponts de bois et ses pierres rondes tapissées d’un épais manteau de mousses. Un havre de paix idéal pour se ressourcer ou méditer en toute quiétude.

Chose hallucinante, en un peu moins de 20 km je passe d’un flux continu de frontales (cul à cul) à seul de chez seul, pas un seul ami, pas une âme charitable à qui parler.

Au Haut du Tôt (village le plus élevé des Vosges) les bénévoles déguisés en Gaulois nous réservent un accueil hallucinant. Ils nous invitent dans leur chaumière et malgré l’absence de sangliers rôtis et de Cervoise, les mets qu’ils nous proposent sont succulents.

Les animaux de la plaine arctique s’affichent ensuite sur d’immenses panneaux à travers l’exposition plein-air du photographe animalier Vincent Munier. Ours polaires, bœufs musqués, loups arctiques ou encore harfangs des neiges. Un territoire hostile CAPTIVANT.

A Cornimont Eric Bonnotte et Vincent Larue (respectivement 1 et 2 au final) me rejoignent. On fait un petit bout de chemin ensemble. Je n’avais pas vu Eric depuis le GRP (8 ans déjà) alors forcément ça tchatche. Rien de mieux que de taper la discute, premièrement c’est un moment de partage essentiel et deuxièmement ça rend le trajet moins long.

12h30, je débarque à la première base de vie, mon aide mentale (Caro et Titou) est présente. Tout va bien, la gentillesse des bénévoles accroît ce sentiment. Ils nous remplissent les gourdes, nous invitent à déguster leurs victuailles, nous interrogent sur notre état et sur d’éventuels soins à prodiguer. Je profite du moment et repars, malgré tout, sans trop attendre. Il reste 150 bornes, direction l’Alsace…




III - La boucle alsacienne


Dans le vallon de Kruth je souffre de la chaleur, avec cette impression désagréable qu’elle s’infiltre sournoisement à travers chacun de mes pores. Je bouillonne intérieurement, I'm on fire !!!
 
Je m’accroche, tant bien que mal, à la beauté des lieux pour avancer toujours et encore en trottinant… je souffre et le pire est encore à venir.

La montée du Markstein, un calvaire, plus de jus… rien dans la chaussette le bonhomme. L’ascension n’est pas difficile mais un méchant coup de chaud m’accable. Vincent Larue vit un chemin de croix très similaire. Nous arrivons ensemble au sommet avec l’impression cruelle d’y avoir perdu plusieurs heures.

Yes, Caro et Titou ! Ça fait du bien de les voir. Je bois énormément mais impossible maintenant de manger, ce n’est pas bon tout ça !

Rendez-vous maintenant au grand ballon. Je reprends un peu de plaisir après ce grand coup de massue. Vincent s’en va, mon esprit s’évade. Nous longeons le très beau lac du ballon et je ressors la caméra, ce qui est bon signe.

Le ravito du grand Ballon arrive relativement (et oui, c’est un Ultra quand même) rapidement.

« Salut mon cœur, ça tombe bien, je dois remplir ma poche à eaux. »
« Et non mon grand, tu dois d’abord faire le tour »
« Ok, à tout d’suite »

Oui mais… Le tour dont me parle Caro ne se limite pas à un simple tour du champ (comme je le supposais) mais à celui du Grand Ballon, et là c’est une autre paire de manches. 3 bornes (parfait pour une belle rando familiale) autour du point culminant des Vosges avant de retomber sur le ravito.



Je m’accorde plus de temps, il y a pas mal de monde alors on bavarde un peu. 2 charmantes kinés me strappe le dos, quelques irritations dues au sac commencent à se faire sentir. Il est 19h, j’embrasse mes Amours avant de repartir seul dans la nuit.

Je me refais la cerise sur la longue descente de 10 bornes jusqu’à Saint Amarin. J’ai encore les cannes alors j’allonge.

Prochain objectif, la base de vie de « Rouge gazon ». Le crépuscule laisse place à l’obscurité. Une chape immense de silence s’installe, immobile, brisée par ma respiration saccadée.

Le malaise du Markstein n’est pas sans conséquence. Les litres de flotte emmagasinés me soulèvent le cœur. En manque d’énergie, j’essaye de me sustenter. Conséquence, mon estomac se vide une première fois. Quelques mètres plus tard, rebelote. Je plie mais ne rompt pas, au contraire même. Une certaine légèreté m’envahit, je reprends du rythme sans ballonnements… ça repart !

Km 100 je suis seul et pour un bon bout de chemin. En bref je ne reverrai personne d’ici l’arrivée. « I’m a poor lonesome runner… »

A Rouge Gazon, bénévoles toujours aux petits soins, je ne m’attarde pas. Changement de T-Shirt, chaussettes, reNOKage des pieds et des parties intimes (aines, sif), et ce moment gênant où une charmante demoiselle propose de m'aider.

« Non, non... C'est gentil mais non »

Pas vraiment de moments marquants entre Rouge Gazon et l’Ermitage, ça roule quoi mais il y a toujours cette chaleur interne qui devient incontestablement un facteur pathogène… Si, si !!

Ermitage Frère Joseph Re-Bonjour. Il est 3h30 du matin, je suis 5ème. Mon seul souhait depuis des kilomètres est de prendre une douche bien fraîche. Vœu exaucé avant de repartir dré dans l’pentu. Une gentille petite bénévole m’indique le mur à gravir avant de me lancer un « Bon courage » rempli de sens.

III - Un dernier tiers bien corsé

L’esprit de l’infernal reprend son sens, on y est ! Tout d’abord la piste noire, 20 minutes d’inclinaison vertigineuse les genoux dans la mâchoire. Mais comment font les coureurs partis sans bâtons ? Et bien ils piochent Mr dame, se rattachant aux touffes d’herbe pour ne pas redescendre.

La descente suivante se fait par une piste verte très large. Pas une seule rubalise réfléchissante, je jardine de gauche à droite, galère pour trouver le chemin. Après la traversée d’une route je retombe sur une partie herbeuse légèrement saupoudrée de rosée. Les notes artistiques ne tardent pas à tomber, roulade avant, glissades pieds joints, sur un pied, même du ventral… La Fun Run débute !

S’ensuit une longue partie dans les bois façon Barkley. Forêt épaisse avec énormément de végétations, arbres à enjamber, des ronces, des souches parsemées ça et là. Malgré la marche forcée, le sol irrégulier me fait trébucher, je suis fatigué. Les stores s’abaissent d’eux-mêmes et le ravito arrive à point nommé. Un seul bénévole, un lit de camp qui me parle, coiffé d’une couverture douillette. C’est parti pour 30 minutes de rêves… RESSOURCANT. Il est 6h du matin, je repars plein d’entrain pour les 40 derniers kms.

Ensuite, et bien je croise un loup... Un loup !!! Rien de choquant sur le moment... Entre réalité ou hallucination, je vous l'accorde, le doute m'habite.

Aux Tronches je retrouve Ron’s qui a rendu son dossard au Grand Ballon. Pas de pépins physiques rassurez-vous ! Un simple passage vers autre chose, réalisé en toute sérénité. Mais il va quand même falloir qu'on en reparle... Je « check » en le voyant et valide de ce fait son rôle de coach pour les 25 derniers kms. Mon punching ball, vous savez ce truc qui pendouille au fond de la gorge et dont on oublie l’existence, et bien j’ai l’impression qu’il a doublé de volume... J’interroge le toubib à ce sujet.
« Vas-y, ouvre la bouche »
« Arrrrrrrgh !!!! »
« Whaou ! Impressionnant. Je n’ai jamais vu ça. Attends je prends une photo »
« Et on peut faire quelque chose »
« Non, non. Ça va dégonfler »
Une belle inflammation de la glotte. Une sensation pas très agréable qui tire régulièrement au cœur.
« Bon, bein si y’a rien à faire, j’y vais »
Go !

Les derniers kilomètres ne sont pas les plus simples mais sans doute plus légers. Encore de belles montées bien pentues, des cordes sont installées pour nous facilité la tâche. Il fait encore plus chaud que la veille. Je ne mange presque rien, seuls les gels liquides et le pain du montagnard trouvent grâce devant la vulnérabilité de mon estomac. Il reste 15 bornes je retrouve mon coach en pleine discussion avec une bandes bien sympathiques de bénévoles (pléonasme).

On m’indique le 6ème plus de 2h derrière et le 4ème une demie heure devant. OK, les jeux sont faits, je vais donc profiter sans pression de ces derniers instants. Je prends le temps de bien me désaltérer auprès des sources jalonnant le parcours. J’emmagasine l’énergie positive de cet environnement vosgien, j’ai tout à aimer.

Enfin l’arrivée tant attendue, je boucle ces 205km en 34h30. La petite photo finisher pour un beau portrait plein d’originalité par Daniel Hibold. Comme vous pouvez le constater, la fraîcheur s’était fait la malle depuis un bon bout de temps.


Ron’s débarque 5 minutes trop tard, ou plutôt à point nommé pour une bonne bière !! DELECTABLE

Un grand bravo à toute l'équipe de Stéphane Hairaye. Des courses pour tous (200, 110, 60, 30, 12km) et des RUN (courses à obstacles) complétement délirants pour petits et grands. Plus de 1000 gamins le dimanche sur la mini-run, démentiel !!! Evidemment un grand merci aux bénévoles, omniprésents et prévenants. Alors si l’envie vous prend, n’hésitez surtout pas !!

Infernal trail des Vosges 200 from Goonif37 - Kaly86 on Vimeo.

Je remercie tous ceux qui m’ont porté, encouragé et félicité avant, pendant et après. Merci à Caro et Titou pour votre soutien et bienséance, à mon coach Ron’s. Et enfin à tonton Denis et Vincent pour les entrainements Montagne au Mont Dore et Pyrénées, une prépa aux petits oignons.
Merci.





Commentaires

  1. Joli texte...et chouette musique sur ta vidéo!
    C'est exactement ce qu'il me fallait pour faire une pause dans ma journée de boulot.

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    1. Merci beaucoup Msieu l'Sénateur. J'ai suivi avec intérêt ton épopée dans le Val d'Aoste, toutes mes félicitations. Et que dire de l'exploit de Jean-Mi, Incroyable !! et surtout inimaginable.

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  2. Bravo à toi ... Sympa la vidéo
    Je ne me lasse pas de revoir (revivre) toutes ces belles images, toutes ces émotions ... Quelle aventure !!!!
    Poucet

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  3. Bravo pour la course et pour ce compte rendu ...
    Sur la ligne de départ de l'infernal 60, je pensais être l'un des seuls "37" de la course (chasse aux points UTMB).
    Mais samedi matin à 10h00, au moment de partir sur l'infernal 60km (qui au passage en fait au moins 65 !) ton visage est apparu sur l'écran géant dans un résumé du début de course de l'infernal 200km... Je me suis dis tiens un gars du 37 !
    La coïncidence veut que, sans le savoir, nous participons à des courses "ensemble" Hospitaliers 2012, Maxi Race etc
    Nous nous sommes croisés un jour à décathlon , nous avons échangé quelques mots...
    Bref bravo pour ce blog
    A bientôt peut être ...sur une course

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    1. merci pour ce message. Oui je me rappelle bien de toi... c dommage on aura pu échanger durant notre weekend vosgien. Au plaisir de te revoir sur Tours ou ailleurs.

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